• L'ASH et la soirée des 39 Jenlain

     

    Samedi 29 mars 1980, bar "La Gentil'ho". Sans préméditation, se dessine la fameuse soirée dite "des 39 Jenlain". De gauche à droite: Olive, Marius et Jean Lasbuth

    L'autre jour au rayon des binouzes, notre oeil distrait se posa par hasard sur le message suivant: "2022: les 100 ans de la brasserie Duyck à Jenlain". Revint comme un kaleidoscope spatio-temporel ce samedi de 1980 où un bar de l'avenue Clémenceau fut le théâtre de la journée des 39 Jenlain. Pour en reparler, les historiens ont exhumé des archives jaunies et reconstitué l'épisode.

    En fait, tout commença dans l'anonymat d'un début d'après-midi. Déjà un an que les gamins de l'ASH avaient investi l'endroit, qui leur paraissait un rien guindé (on les retrouvait plus souvent au Duquesne ou au Voltigeur, rue de Lyon). Marius, qui venait de terminer ses partiels (FAC de sciences), s'installa avec Olive à une table en bois, à droite de la cheminée (et non tout au fond du bar, lieu habituel des soirées). L'après-midi était belle et Johnny Boots avait conduit Fulgur prendre l'air au Trez-Hir (ce détail n'a aucune importance, mais les historiens ont insisté pour qu'il soit mentionné, afin que l'on mesure le sérieux de leur travail).

    Bientôt Jean Lasbuth et Dragan arrivèrent du quartier de l'Harteloire pour se joindre à la tablée, et évoquer la virée de la veille au Jumbo, la discothèque de Douarnenez où officiait le frère d'Olive, avec un concert de "Bel Ornithorynque Force". Si bien que vers 17h, 11 Jenlain 75cl avaient été éclusées sans avoir l'air de rien, et trônaient sur le rebord de la fenêtre comme des obus de 14-18. Pourquoi des Jenlain ce jour-là? On n'en saura jamais rien.

    L'ASH et la soirée des 39 Jenlain

    Les historiens notent qu'à 18h, Jean Lasbuth quitta l'assemblée pour ne pas revenir, et qu'Olive prit sa moto pour remonter vers l'Armoricaine, où le Stade s'apprêtait à recevoir l'US Valenciennes-Anzin. Swallow du Bergot avait garé sa mob de l'autre côté de la vitrine du bar, ornée des rideaux Vichy, et écoutait Dragan raconter ses dernières tribulations sous les drapeaux (voir dessin en fin d'article).

    A 21h, 21 Jenlain vides étaient au garde-à-vous sur le rebord de la fenêtre. Arrivèrent Marc "infernal" Ar Moal (electric guitar) et son pote Gilles (basse), ainsi que "Papa" Yan (celui qui dansait tout contre la grande baffle du Mélody, souvenez-vous). Et revint Olive de l'Armoricaine où le Stade avait pris l'eau contre Valenciennes malgré un but de Drago Vabec (1-5). L'ambiance pouvait encore monter d'un ton. Infernal Marc avait pris sa guitare et tout le monde chantait "Refugee" de Tom Petty (enfin, le refrain, faut pas pousser). Johnny Boots, appelé à rejoindre sa soucoupe volante au "Saturne" en combinaison de DJ, fit à regret bye-bye et monta dans sa Simca 1100.

    L'ASH et la soirée des 39 Jenlain

     

    La Gentilho vers 1979, avec le flipper juste à droite de l'entrée, et le juke-box à gauche

    Dragan leva le pied et changea de vélo pour un... jus de pamplemousse. Les historiens rapportent que "Véronique passa", et Momo Cam aussi en fin de soirée. Oui, Momo, le gauchiste emblématique du lycée bleu (ex série B). Infernal Marc cassa une corde de sa guitare qu'il tenta de réparer (en vain) en y faisant un noeud. Il se faisait tard, les rangs étaient moins serrés, une partie de la clientèle migrait vers le Mélody. Le juke-box passait du ska. La tablée devisait encore lorsque le barman vint ramasser les 39 Jenlain.

    Le lendemain, sous une pluie continuelle, le PL Guérin faisait match nul 1-1 à Saint-Renan. LVS Yvinec joua tout le match. Marius remplaça Fulgur à la 76ème mn. Le dimanche soir, Olive partit pour l'Angleterre, et maman Lasbuth vint chercher son fils à la Gentilho. "C'est tout", disent les historiens.

    L'ASH et la soirée des 39 Jenlain

     

    Un soir au bar, début 1981. Le personnage avec la casquette d'ACDC, c'est Marc "Angus" Le Moal. S'il porte la casquette, la guitare doit être posée à ses pieds.

    L'ASH et la soirée des 39 Jenlain

     

    L'affichette de la mairie de Brest (le maire était Pierre Maille, socialiste) en 1989 pour promouvoir la soirée au Vauban, avec Link, et les Hot Bugs!

    Bonus! Quelques souvenirs des soirées brestoises: l'épopée des Hot Bugs: Jean-Yves Pleyber, Eric Stéphan, Eric Conq et Félix Bagheera. La bande-son de la fin des années 80, avec leur passage à Tamaris (dans le champ de Langolvas, près de Morlaix). "Pitch no pitch, yeah yeah yeah".

    L'ASH et la soirée des 39 Jenlain

     

    Le 45 tours mythique des Hot Bugs en 1989: "Pitch no pitch"

    L'ASH et la soirée des 39 Jenlain

     

    Pochette de la Lucha Libre en 2012 (?), avec le terrific "George Best": "On sait qui tu es, George"

    L'ASH et la soirée des 39 Jenlain

     

    George Best, "Bestie des sixties" (photo issue du Soccer Gift Book Charles Buchan's 1973)

    On termine avec notre coup-de-coeur: "George Best" par la Lucha Libre (qui a aussi commis "Saint Bruno Grougi"), et des textes flamboyants. Car à l'ASH, les gamins savaient qui avait été George.

    L'ASH et la soirée des 39 Jenlain

     

    Dessin issu du "Blanc" n°45, journal de l'AS Harteloire, paru à 1 exemplaire le 9 avril 1980. Humour de comptoir

    Ladislas Boszo, terrasse du bar Mitteleuropa à Budapest

    ladislasboszo.eklablog.com


    2 commentaires
  • Route de Quimper 2026 (Stade brestois)

    2026. Le stade brestois vient de descendre en division 2 après le match de barrage contre Châteauroux (but de Neymar sur pénalty). Le club a quitté le vieux stade Francis Le Blé (ex-Armoricaine) pour l'écrin flambant neuf de Guipavas, où on pourra jouer au bowling à la mi-temps et prendre un drink dans le lounge sponsorisé par une firme "produit en bretagne" de retraitement du goémon.

    Bon, c'est super. C'est mieux, y a pas à discuter. Mais quand même, on était les derniers à avoir encore un stade en ville (à Nice, Bordeaux, ils pleurent et c'est vrai). C'était compliqué de nous mettre 17000 places dans le rectangle de la route de Quimper, en calculant bien, en mettant un toit sur "plein-ciel", en mettant du dur sur Arkéa, en reliftant Foucault? En musclant RDK? En faisant du beau avec du vieux?

    Allons, c'était fastoche. On va partir à la campagne dans ce chaudron de poche, on va acheter un bonnet à 30 balles à la boutique. On va se bousculer pour prendre le tram vers l'Octroi. On va pleurer.

    On va entrer à notre tour  avec les deux godasses dans le XXIème siècle. Et ce sera mieux. C'est tout. (Et en même temps, on venait à Le Blé juste pour supporter le stade et passer du bon temps).

    Ladislas Boszo,

    qui taille une bavette au relais Celton


    votre commentaire
  • Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    1: but de Yan sur le terrain de hand de l'Hartel'! (avril 1975)

    Cette photo est un classique du blog de l'ASH. Et pour cause, c'est l'une des rares à saisir l'atmosphère du lycée bleu à la mi-temps des années 1970. C'est l'heure du traditionnel match après la cantine. La plupart des élèves sur la photo sont en seconde: il y a Debe Castel (sous-pull orange) et Pat Puillandre (de dos dans la cage), série B. De dos en chemise à carreaux, c'est Thierry Julienne. Yan Le Moing (c'est de lui qu'on va parler!) est de face, pull bleu marine). Beyer (en blouson), est caché derrière Julienne. Bertrand "Choco" Léon (série A) s'est retourné pour voir arriver Maony. Le match va commencer (il durera de 13h05 à 13h40 environ, tous les jours non pluvieux des années 70).

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    1. Quelques trombines des joueurs de l'AS Harteloire 1977-1978: de gauche à droite: Kermit Le Goaziou (goal) - Yann "Buto" Pavy - Pierre "Marius" Gouton - Philippe "Winnie" Rolland. En-dessous: Fred "Bomber" Phillips - Bertrand "Choco" Léon - Didier "Dragan" Brossel - Jack Cloâtre. On les trouve souvent sur le terrain bitumé de la cantine à midi...

    A 13 heures les "externes libres" (ceux qui étaient rentrés manger chez eux et avaient vu "midi première" présenté par Danièle Gilbert) enjambaient la grille du lycée pour participer au match. En 1975, les caïds de série B faisaient la loi: Pat Puillandre (qui jouait à l'ASB), Jo Kerleroux, Momo Cam et consorts. Ces gars-là avaient du foot dans les pieds, et de la présence.

    Et puis il y avait Yan. Yan, au foot, n'avait passé ni le code ni le permis. Mais c'était une locomotive. Aucune technique ni de sens du jeu, qu'importe! Alors Yan harcelait le porteur du ballon adverse, les mains souvent levées pour ne pas faire de faute. On le dribblait, pas de souci, en deux enjambées il était de nouveau là, faisant obstacle comme au handball, lançant ses pieds dans tous les sens, irritant les puristes et dégoûtant les gauchers magnifiques (Momo Cam).

    Et ce jour-là, l'impensable: une balle qui traîne devant le but des caïds de la série B ("éco"), une mésentente comme un grain de sable, et puis Yan qui surgit et, d'un pointu-surprise, propulse le cuir dans la cage que protégeait Pat Puillandre. But! "Ouaiiis" a lâché Yan, qui de joie a réajusté ses lunettes.

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    1. Yann Le Moing (dit "Yan" ou "Papa Yan") en juin 1975. Yan jouait de l'alto et était fan de Frank Marino. Il aimait danser seul tout contre la baffle du Mélo.

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    1. Deux joueurs de l'ASH en tenue (achetée aux magasins Jean, rue Jean Jaurès), en 1977: Claude "Tête-de-boeuf" Castel et Didier "Dragan-la-foudre Brossel (série B) sur le légendaire Larzac Ground (stade Foch) qui porte ici bien son nom. Oui, chacun avait un surnom à l'époque. C'était plus rigolo.

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    2. But de Titi au tournoi de l'UNEM! (1er mars 1979). La photo est floue, mais elle est belle: comme nos souvenirs, elle s'évanouit dans l'ozone.

    Après les années lycée (et le superbac 1978, le plus dur du siècle), le temps des années fac. C'est l'union des étudiants marocains (UNEM) qui organisa un grand tournoi sur le terrain stabilisé de l'université, en haut de la rue du Bouguen (derrière la bibliothèque universitaire). Tous les grands noms ou personnages de la sphère étudiante étaient là: Faouen le morlaisien, Tatibouët (tous deux en droit), Yann "Buto" Pavy capitaine de l'équipe Fac de sciences qui allait remporter le championnat de l'Académie, Woody Allen (son sosie, rassurez-vous).

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    2. Le parcours de la White Selection au tournoi de l'UNEM (archives du Musée des grandes équipes disparues, le MUGED)

    Les anciens de l'Harteloire avaient fait appel à deux pointures du quartier de Saint-Martin pour former leur équipe (la "sélection blanche": Serge "le chef" Bourhis (PL Guérin) et Titi (place Guérin). De Titi, on ne sait pas son nom. Il traînait en fac de sciences, semble-t-il. Sur le terrain comme au-dehors, on eût dit un moineau. Et voici qu'en demi-finale, alors que l'équipe des "flèches" menait 1-0, à la dernière minute, Titi s'en vient placer une tête dans la lucarne, faisait exploser le stade entre chien et loup. Pour la petite histoire, les "flèches" s'imposeront aux tirs au but. Qu'importe, Titi a fait vibrer les âmes comme savent le faire les p'tits gars d'Saint-Martin!

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    2. Deux photos de Marius Gouton en action (les photos sont-elles à créditer à Kermit Le Goaziou, ou sa soeur? C'est probable!)

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    2. Serge "Le chef" Bourhis saute le plus haut pour dégager son camp. Derrière lui, Fred Phillips et tout à gauche, Swallow Suaud dans les buts.

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    3. But de Fabien contre Châteauroux! (13 février 2010)

    Petit Fulgur a 50 ans quand il revient à Francis Le Blé. Il n'est pratiquement pas revenu depuis le naufrage du Brest Armorique. Il a même manqué la montée de National. Et pourtant il a passé toute sa jeunesse dans les populaires de l'Armoricaine, de René Tréguer à David Ginola... 

    Pour la Saint-Valentin, le président Guyot a eu la bonne idée d'offrir la place gratuite à la gente féminine (remarquez le coeur sur le billet du match). 17h. On s'installe tribune Foucault, côté nord. "Tiens, on est presque à la même place que lors des barrages contre Le Havre en 1989"...

    La vache, quel plaisir de retrouver le stade. Ca file des frissons. Les ultras côté route de Quimper donnent de la voix. Il n'y avait pas d'ultras avant. On faisait du bruit sous le toit des populaires, mais en désordre. Oh, le stade joue bien! Grougi, Lesoimier, Roux, Bigné, Daf, Ewolo...

    Paf, la Berrichonne ouvre le score juste avant la mi-temps. Mais les gars d'Alex Dupont repartent de plus belle. Brest est alors 2ème du championnat derrière Metz et reste sur une bonne série. A la 69ème, Rom' Poy' (Romain Poyet) égalise! On va finir sur un nul. Pas mal, chouette match.

    94ème, dernier cafouillage devant les buts castelroussins, côté route de Quimper. Et Fabien qui envoie (de la tête?) le ballon dans les filets. Clameur des 9455 spectateurs qui scandent debout "Ici c'est Brest!". Un cri du coeur qui va bien durer 10 ans. Sourires à la sortie du match, le stade brestois sort du tunnel et cligne des yeux tant la lumière est belle!

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    3. Message d'Olive Beaumont (ex-lycée de l'Harteloire), un des 10000 supporters n°1 du Stad', pour la montée en D1 en 2010.

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    4. But du Vieux Sorcier au terrain de la gare! (13 septembre 1978). Ci-dessus, le reportage paru dans l'Ouest-France l'été 1979 (par Alain Cabon), avec le dessin du jubilé Winnie.

    En contrebas du jardin Kennedy, vers la sous-préfecture, il y a ce carré de pelouse en pente où les gamins du centre-ville viennent depuis les lustres jouer au foot. Certains y ont usé plusieurs paires de godasses. Bertrand Yvinec (dit "le vieux sorcier"), et son copain Winnie Rolland de la rue Voltaire.

    Après l'été 1978, le superbac en poche, Winnie a l'idée de faire un dernier match sur le terrain de la gare, un peu pour dire au-revoir à son adolescence. Il y a là les habitués du quartier, Raymond André, Tweed Boulin, et ceux de l'Harteloire: Debe, Dragan et Fulgur. Hubert Renaud ("Béb' Mc Reno") le rugbyman du lycée de l'Harteloire est présent aussi, avec un chouette maillot d'un club gallois.

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    4. Les deux équipes du jubilé Winnie: à gauche l'équipe du FOWLS: Norkopping (en orange), LVS Yvinec, Fulgur,, Kermit Le Goaziou (goal). Accroupis: Tweed Boulin et Black. 

    A droite, l'équipe Winnie: Hubert Mc Reno, Debe Castel (maillot d'Arsenal) et Dragan Brossel (SEC Bastia). Accroupis: Pinocchio (goal), Raymond André ("le vautour des 6 mètres") et Winnie Rolland forever.

    Le match va durer 1h. Et déjà, à la 21è mn, le Vieux Sorcier, d'un lob parfait sur l'infortuné Pinocchio, inscrivait son 3ème but, signant le hat-trick. (entre parenthèses: parfois on ne se souvient plus de ce qu'on a mangé la veille, et ici on sait que le 3ème but du vieux, c'était un lob). 

    Au final, l'équipe de Winnie s'inclina 5-4, sans que "le fils de la vieille Italie" ait pu inscrire un dernier but sur son cher terrain de la gare. Une page se tournait, il allait falloir devenir grand...

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    4. La couverture du journal "Mirror" (ou les échos de l'ASH an II) du 22 septembre 1978. Journal tiré à 1 exemplaire.

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    5. But de Marius à la Cavale Blanche! (21 avril 1985). Ce but-là, on ne va pas le commenter: tout est dit dans l'article qui accompagne le dessin du journal "Ashes to ashes". C'est un petit clin d'oeil au PL Guérin, le grand club de Saint-Martin, dont l'équipe de foot s'éteignit à la surprise générale à la fin des années 1980. Ce blog en a parlé avec fierté plusieurs fois, notamment dans les articles "Sweet, sweet PLG", avec moultes photos d'équipes à l'appui.

    Instantanés sur 5 buts de foot à Brest (1975-1990)

     

    Bonus! votre poster de Swallow-des-Bahamas à punaiser sur le mur de votre chambre (extrait du livre de l'ASH Group de décembre 1980)

    Ladislas Boszo


    2 commentaires
  • Le trésor du Moulin à Poudre (légende brestoise)

     

    "Un trésor se cache au Moulin-à-poudre"!

    Article de "La dépêche", ancêtre du "Télégramme de Brest", daté du 1er mai 1936 (seul un extrait de l'article est ici reproduit. Archive par Manon la rochelaise)

    Nous étions élèves au lycée de l'Harteloire à Brest vers 1970, en 6ème ou en 5ème (la prof de français, Mme Anger, fumait des brunes). Des fois, après les cours (quand on finissait plus tôt), on s'aventurait vers la vallée du Moulin-à-poudre. On prenait la rue Latouche-Tréville derrière la gendarmerie, on achetait quelques bonbons à la boulangerie ou chez Yvonne, et on descendait les grands escaliers vers la porte de la brasserie.

    Une fois, sûr que c'était Loïc (il est décédé cette année 2022) qui avait eu l'idée d'aller "visiter" la porte du Bouguen un après-midi de mai. Il faisait chaud. Quelques filles avaient accepté de partir à l'aventure avec nous: Pascale, Dominique, Christine, Myriam ou Isabelle?. Je crois bien qu'il y avait Jean-Marc (de Kérinou), Yann, Michel, Thierry ou André, certains en culottes courtes. On est passé devant la porte de l'arsenal, Jean-Marc a montré la maison de la mère biquette à flanc de falaise, sous les fortifs. On a monté la rue du Bouguen, longée par le mur de l'arsouille. Il y avait des lézards sur les muretins, qu'il faisait chaud! En haut de la grande côte, après les baraques, on a vu l'imposante porte du Bouguen (elle se trouvait en gros à l'emplacement du croisement actuel des rues Le Gorgeu et Langevin), comme un bâtiment militaire en ruine (la porte, seule, a été préservée et déplacée près du terrain de rugby de l'université, où elle se trouve à présent). Loïc est rentré le premier dans le bâtiment, par une fenêtre béante. C'était sale et ça sentait mauvais. Pouah! Il n'y avait rien à trouver là-dedans. Mais c'était l'aventure. Et les filles n'étaient pas si rassurées, même si Pascale faisait la maligne. Si bien que certaines donnèrent la main pour redescendre la rue du Bouguen. Ah, elle valait le coup, cette aventure!

    Le trésor du Moulin à Poudre (légende brestoise)

     

    Le val du Moulin-à-Poudre vers 1970. La route qui passe sous le pont bleu mène à Kérinou et son jardin magique (il n'en reste presque rien aujourd'hui). C'est encore presque la campagne.

    Une autre fois, au lieu de monter vers le Bouguen, Jean-Marc proposa d'aller "au jardin de Kérinou", soit de longer la route sous le pont bleu. Bientôt, ce fut la campagne. On est passé devant une maison qui faisait restaurant, presque sous le pont: "Au bois de Boulogne". Et puis on a pris un chemin et on est entré dans un café minuscule dont le sol était en terre battue! On a pris des carambars à 5 centimes. Tit Clod' connaissait l'endroit. Il a montré un escalier de pierres en ruine et a dit: "il paraît qu'il y a un trésor là-dessous". Et puis on est allé jusqu'au ruisseau au milieu de la prairie. On a vu des têtards et des sangsues. Vite fait on a quitté la prairie en inspectant nos mollets. Michel disait que les sangsues te suçaient le sang sans que tu t'en rendes compte, la vache!. On a marché vers Kérinou, on a vu le hangar des bus et le tramway. Et on a découvert l'incroyable jardin de Kérinou, ses massifs et ses vallons, avec les allées qui serpentaient entre les plantes en fleurs. Génial! On a fait "salut" au gardien. On allait pouvoir jouer à cache-cache et à touche-touche. Ou à la guerre. Michto!

    Le trésor du Moulin à Poudre (légende brestoise)

    La classe de 6ème5 du lycée de l'Harteloire, année 1970-71. Les "aventuriers" (et aventurières) du Bouguen, du Moulin-à-poudre et du jardin de Kérinou se trouvent parmi eux (et elles). La prof (d'allemand), c'est Frau Simon ("Setz euch!")

    Le trésor du Moulin à Poudre (légende brestoise)

     

    L'ancienne porte de la brasserie, en bas de la rue Portzmoguer, marquait la limite de Brest. Après, c'était déjà la commune de Lambézellec.  Il reste encore actuellement près de l'actuelle "porte de la Brasserie"(entrée de l'arsenal), juste avant le garage auto, la ruine de l'ancien poste de garde intra-muros.

    "Le pont-levis de la porte du Moulin-à-poudre était levé chaque soir, au couvre-feu. On ne pouvait plus rentrer dans Brest que par la porte de Landerneau, aux Glacis, où il y avait une poterne. Il fallait montrer patte blanche au corps de garde". Les évasions de forçats étaient fréquentes. On tirait alors le canon et le pont-levis était levé" (extrait du livre "le siège de Brest à Lambézellec" -paru en 1950-, souvenirs de la mère de l'auteur)

    Le trésor du Moulin à Poudre (légende brestoise)

     

    Extrait de l'article de la "Dépêche" du 1er mai 1936, où l'on parle du trésor du Moulin-à-poudre: "son histoire était connue de tous les anciens du village et nous avions fini par croire qu'il s'agissait d'une légende. Mais un fait m'ouvrit les yeux..."

    Le trésor du Moulin à Poudre (légende brestoise)

     

    "Le Moulin-à-poudre", extrait du livre "Brest à travers les cendres" par E. Nourry. "Avec ses prairies bordant la route de Kérinou, ses maisons plantées au hasard des chemins plus ou moins escarpés, il ressemble à un village cubiste, à Chatou peut-être? Les linges aux coloris heurtés claquent au vent, à l'instar des battoirs et des langues des lavandières dans les buanderies proches. L'odeur crue des triperies rampe sur les gazons gras où sèchent en permanence des carrés de toutes les couleurs".

    Imaginez la route vers Kerinou (à droite) au premier plan, et le pont bleu au fond, bien au-dessus des arbres. La maisonnette au premier plan, elle existe encore!

    Page 140 du livre est évoqué l'ancien Moulin à Poudre, celui d'avant-guerre, dans le chapitre "Adieux à mon village". "La route de Kérinou bordée de hêtres roux à l'automne, sous lesquels les filles venaient ramasser les faînes". "Le ruisseau jaune d'or où pullulaient les anguilles et qui chantaient sous les saules".

    Le trésor du Moulin à Poudre (légende brestoise)

     

    Détail d'un plan amateur de la vallée du Moulin-à-Poudre vers 1970. Le pont bleu serait légèrement à gauche (hors du plan)

    Le trésor du Moulin à Poudre (légende brestoise)

     

    photo extraite du livre "le siège de Brest à Lambézellec" (paru en 1950), par Auguste Kervern (maire de Lambé à l'époque, une rue porte son nom). Les bâtiments sur la photo ont été détruits lors d'un bombardement allié une nuit de 1943-44. Le trésor se trouverait-il enfoui sous une maison bâtie après la guerre? En tous cas, cette histoire n'est pas un canular. On la verrait bien reprise en BD dans un prochain numéro de la revue "Casier[s]". Non?

    Ladislas Boszo, attablé au café Léal, près de la porte de la brasserie, là où les ballons de rouge étaient alignés le matin sur le zinc. Les ouvriers de l'arsenal, baluchon sur le dos, déposaient les piécettes sur le comptoir et vidaient leur verre d'un trait. Pour se rincer l'gosier avant le maille.

    ladislasboszo.eklablog.com

    Le trésor du Moulin à Poudre (légende brestoise)

    Exodus, figure flânante de ce blog, rappelle que le "Pont Merdou", dont on parle dans l'article de "la Dépêche", se trouvait au bas de la rue Fautras, dans le vieux-Brest. Pierre Mac-Orlan l'évoque au chapitre VII de l'"Ancre de MIséricorde". (Voir les commentaires à cet article ☺)


    6 commentaires
  • L'ASH et Status Quo! (version remastérisée)

     

    Radio K7 de Status Quo 1968, période "psychédélique", avec "Technicolor dreams" qu'affectionnait Steve Rébillard (série A)

    Bon. N'allez pas croire qu'on fait une fixette sur Status Quo dans ce blog. On en a déjà parlé. On a raconté le concert de Penfeld avec l'article de petit Fulgur qui avait paru dans Rock'n'Folk, avec Supermac qui s'écriait "Rossi!" entre deux chansons.

    Mais figurez-vous que l'autre jour, petit Fulgur traînant quartier Jaurès tomba sur des CD de seconde main, dont deux vieux Status Quo réédités comme des 33 tours miniatures, à l'identique avec pochette en carton: "Quo" et "Blue for you". Et un Ramones de 1977, même présentation sans plastique. Ouah! 10 secondes plus tard, ils étaient dans la musette.

    La pochette de "Quo" est assez moche, avec ces racines comme des serpents et Lancaster et Parfitt qui paraissent s'étrangler. Mais dès les premières mesures de "Backwater", le choc, retour immédiat sans escale vers le foyer du lycée de l'Harteloire, celui qui fut posé au fond de la cour de récré (près de l'entrée des cyclos) vers 1972.

    L'ASH et Status Quo! (version remastérisée)

     

    Vous souvenez-vous de l'éphémère (1972-1976?) foyer du lycée, monté comme un mobile-home entre les terrains de hand et le parking à vélos et cyclos?

    Ne dîtes pas, anciens et anciennes du lycée bleu, que vous avez oublié Le Foyer, bâtiment provisoire en aggloméré, qui devint peu à peu No man's land. Alors, entrons, il y a "Backwater" qui passe, et cette odeur de tabac froid. Ah, ça fait du bien. Il y a deux salles: dans l'une, on joue au baby. Dans l'autre, il y a une platine vinyles, et des 33 tours tout autour: Pink Floyd, les Doors, Yes (et leurs pochettes incroyables), Deep Purple... Ce sont les terminales qui font la loi et passent leur musique. Il y a des noms aujourd'hui oubliés: Uriah Heep, Hawkwind, Emerson Lake and Palmer... Beaucoup d'électricité dans l'air. Cheveux longs, écharpes longues.

    Un coup, petit Begkoyian, 4ème ou 3ème, a essayé de glisser son disque de Slade (c'était "Sladest") sur la platine. Il s'est bien vite fait virer par un vieux de terminale qui a posé Jimi Hendrix sur le pick-up. Le rock, c'est pas une musique de gamins!

    L'ASH et Status Quo! (version remastérisée)

     

    Pochette du disque "Quo", 1972

    En 4ème, il y avait une jeune prof de Français qui ne se laissait pas marcher sur les pieds: Madame Rozenn. Elle avait d'abord décidé de rendre hommage pendant un trimestre à Henri de Montherlant, tout juste refroidi en début d'année scolaire. Mais ensuite, pour illustrer un chapitre sur le thème du feu en musique, elle avait apporté des 33 tours en classe! On avait d'abord écouté de la musique classique, "l'Oiseau de feu" de Stravinsky. Et soudain, voilà qu'elle sort... "Fireball" de Deep purple! Du hard-rock en cours de français à l'Harteloire! Même Madame Anger, la reine des prof avec ses cheveux gris en queue de cheval et la clope au bec n'a jamais osé pareille transgression. Yan Le Moing de la rue du Bouguen (il habitait l'immeuble au pied de la falaise et des fortifs) était aux anges.

     

    L'ASH et Status Quo! (version remastérisée)

     

    Pochette du disque "Blue for you", 1976

    Dans le foyer, le sol en plancher craquait. Tout le monde fumait. Les manteaux, sacs mous et écharpes tricotées s'amoncelaient en désordre contre le mur. C'était le territoire des lycéens, où pas un prof ne s'aventurait. Ben oui, ça draguait pas mal, comme dans l'arrière-salle du Campus (sis en face des escaliers de granit, rue Latouche-Tréville, avant la boulangerie Méar). Le Record, lui, était à 50m à gauche, rue de l'Observatoire, en face d'une petite place.

    L'ASH et Status Quo! (version remastérisée)

     

    Alors, oui, Status Quo a accompagné bien des lycéens et lycéennes pendant les années '70. "Piledriver", "On the level"... Et le Live. Souvenir de soirs d'hiver vers Noël dans la fermette de Steve Rébillard en pleine campagne sous Guissény à beugler "bye bye Johnny, bye bye Johnny be good".

    Jo Kerleroux (série B) avait l'uniforme de Status Quo: veste et pantalon en jean, mais c'est John Lennon qui apparaissait en couverture de son classeur (la photo avec plusieurs paires de lunettes). Pat Puillandre (série B) sifflotait "Mamounia" des Wings. Marius Gouton (série C) avait un poster d'América dans sa chambre. Dans celle de Thierry Julienne (champion du foot-capsules Weltmeisterschaft 1974) on entendait "Foreigner" de Cat Stevens. Début 1978, le premier disque de Van Halen provoqua l'enthousiasme chez les Terminale C. En avril 1975, la mort de Mike Brant fit pleurer des lycéennes de seconde. Et celle d'Elvis, à la rentrée 1977, rougit les yeux de quelques uns dans les vestiaires de la salle de gym.

    L'ASH et Status Quo! (version remastérisée)

     

    A la rentrée 1976 (ou celle d'avant, ou celle d'après), le foyer avait disparu de la cour de récré. Le seul foyer restait deux salles au fond du long couloir du premier étage, dans la longue excroissance au nord du lycée, au-dessus de la cantine. On pouvait y boire un café. Et terminer ses devoirs juste avant le cours ou faire un morpion avec Bérénice. Il y avait une ambiance feutrée des rencontres de début de matinée. Mais plus de musique. Sauf la fois où Jimmy Poncey (terminale A) obtint l'autorisation d'y organiser une "boum" début 1978, un soir! Succès populaire (et pourtant passait à la télé "Zorro" avec Alain Delon). Hélas, Jimmy avait posé sa platine trop près des radiateurs et soudain la musique cessa.

    L'ASH et Status Quo! (version remastérisée)

     

    Pochette verso du disque des Ramones "Rocket to Russia" de 1977. Tristement prémonitoire? Quelle pochette, n'empêche!

    Ladislas Boszo, debout devant le Pénalty-bar avec Dimitri Payet qui se plaint de sa cuisse.

    ladislasboszo.eklablog.com


    votre commentaire