-
Par fulgur29 le 29 Mai 2022 à 18:20
"Un trésor se cache au Moulin-à-poudre"!
Article de "La dépêche", ancêtre du "Télégramme de Brest", daté du 1er mai 1936 (seul un extrait de l'article est ici reproduit. Archive par Manon la rochelaise)
Nous étions élèves au lycée de l'Harteloire à Brest vers 1970, en 6ème ou en 5ème (la prof de français, Mme Anger, fumait des brunes). Des fois, après les cours (quand on finissait plus tôt), on s'aventurait vers la vallée du Moulin-à-poudre. On prenait la rue Latouche-Tréville derrière la gendarmerie, on achetait quelques bonbons à la boulangerie ou chez Yvonne, et on descendait les grands escaliers vers la porte de la brasserie.
Une fois, sûr que c'était Loïc (il est décédé cette année 2022) qui avait eu l'idée d'aller "visiter" la porte du Bouguen un après-midi de mai. Il faisait chaud. Quelques filles avaient accepté de partir à l'aventure avec nous: Pascale, Dominique, Christine, Myriam ou Isabelle?. Je crois bien qu'il y avait Jean-Marc (de Kérinou), Yann, Michel, Thierry ou André, certains en culottes courtes. On est passé devant la porte de l'arsenal, Jean-Marc a montré la maison de la mère biquette à flanc de falaise, sous les fortifs. On a monté la rue du Bouguen, longée par le mur de l'arsouille. Il y avait des lézards sur les muretins, qu'il faisait chaud! En haut de la grande côte, après les baraques, on a vu l'imposante porte du Bouguen (elle se trouvait en gros à l'emplacement du croisement actuel des rues Le Gorgeu et Langevin), comme un bâtiment militaire en ruine (la porte, seule, a été préservée et déplacée près du terrain de rugby de l'université, où elle se trouve à présent). Loïc est rentré le premier dans le bâtiment, par une fenêtre béante. C'était sale et ça sentait mauvais. Pouah! Il n'y avait rien à trouver là-dedans. Mais c'était l'aventure. Et les filles n'étaient pas si rassurées, même si Pascale faisait la maligne. Si bien que certaines donnèrent la main pour redescendre la rue du Bouguen. Ah, elle valait le coup, cette aventure!
Le val du Moulin-à-Poudre vers 1970. La route qui passe sous le pont bleu mène à Kérinou et son jardin magique (il n'en reste presque rien aujourd'hui). C'est encore presque la campagne.
Une autre fois, au lieu de monter vers le Bouguen, Jean-Marc proposa d'aller "au jardin de Kérinou", soit de longer la route sous le pont bleu. Bientôt, ce fut la campagne. On est passé devant une maison qui faisait restaurant, presque sous le pont: "Au bois de Boulogne". Et puis on a pris un chemin et on est entré dans un café minuscule dont le sol était en terre battue! On a pris des carambars à 5 centimes. Tit Clod' connaissait l'endroit. Il a montré un escalier de pierres en ruine et a dit: "il paraît qu'il y a un trésor là-dessous". Et puis on est allé jusqu'au ruisseau au milieu de la prairie. On a vu des têtards et des sangsues. Vite fait on a quitté la prairie en inspectant nos mollets. Michel disait que les sangsues te suçaient le sang sans que tu t'en rendes compte, la vache!. On a marché vers Kérinou, on a vu le hangar des bus et le tramway. Et on a découvert l'incroyable jardin de Kérinou, ses massifs et ses vallons, avec les allées qui serpentaient entre les plantes en fleurs. Génial! On a fait "salut" au gardien. On allait pouvoir jouer à cache-cache et à touche-touche. Ou à la guerre. Michto!
La classe de 6ème5 du lycée de l'Harteloire, année 1970-71. Les "aventuriers" (et aventurières) du Bouguen, du Moulin-à-poudre et du jardin de Kérinou se trouvent parmi eux (et elles). La prof (d'allemand), c'est Frau Simon ("Setz euch!")
L'ancienne porte de la brasserie, en bas de la rue Portzmoguer, marquait la limite de Brest. Après, c'était déjà la commune de Lambézellec. Il reste encore actuellement près de l'actuelle "porte de la Brasserie"(entrée de l'arsenal), juste avant le garage auto, la ruine de l'ancien poste de garde intra-muros.
"Le pont-levis de la porte du Moulin-à-poudre était levé chaque soir, au couvre-feu. On ne pouvait plus rentrer dans Brest que par la porte de Landerneau, aux Glacis, où il y avait une poterne. Il fallait montrer patte blanche au corps de garde". Les évasions de forçats étaient fréquentes. On tirait alors le canon et le pont-levis était levé" (extrait du livre "le siège de Brest à Lambézellec" -paru en 1950-, souvenirs de la mère de l'auteur)
Extrait de l'article de la "Dépêche" du 1er mai 1936, où l'on parle du trésor du Moulin-à-poudre: "son histoire était connue de tous les anciens du village et nous avions fini par croire qu'il s'agissait d'une légende. Mais un fait m'ouvrit les yeux..."
"Le Moulin-à-poudre", extrait du livre "Brest à travers les cendres" par E. Nourry. "Avec ses prairies bordant la route de Kérinou, ses maisons plantées au hasard des chemins plus ou moins escarpés, il ressemble à un village cubiste, à Chatou peut-être? Les linges aux coloris heurtés claquent au vent, à l'instar des battoirs et des langues des lavandières dans les buanderies proches. L'odeur crue des triperies rampe sur les gazons gras où sèchent en permanence des carrés de toutes les couleurs".
Imaginez la route vers Kerinou (à droite) au premier plan, et le pont bleu au fond, bien au-dessus des arbres. La maisonnette au premier plan, elle existe encore!
Page 140 du livre est évoqué l'ancien Moulin à Poudre, celui d'avant-guerre, dans le chapitre "Adieux à mon village". "La route de Kérinou bordée de hêtres roux à l'automne, sous lesquels les filles venaient ramasser les faînes". "Le ruisseau jaune d'or où pullulaient les anguilles et qui chantaient sous les saules".
Détail d'un plan amateur de la vallée du Moulin-à-Poudre vers 1970. Le pont bleu serait légèrement à gauche (hors du plan)
photo extraite du livre "le siège de Brest à Lambézellec" (paru en 1950), par Auguste Kervern (maire de Lambé à l'époque, une rue porte son nom). Les bâtiments sur la photo ont été détruits lors d'un bombardement allié une nuit de 1943-44. Le trésor se trouverait-il enfoui sous une maison bâtie après la guerre? En tous cas, cette histoire n'est pas un canular. On la verrait bien reprise en BD dans un prochain numéro de la revue "Casier[s]". Non?
Ladislas Boszo, attablé au café Léal, près de la porte de la brasserie, là où les ballons de rouge étaient alignés le matin sur le zinc. Les ouvriers de l'arsenal, baluchon sur le dos, déposaient les piécettes sur le comptoir et vidaient leur verre d'un trait. Pour se rincer l'gosier avant le maille.
ladislasboszo.eklablog.com
Exodus, figure flânante de ce blog, rappelle que le "Pont Merdou", dont on parle dans l'article de "la Dépêche", se trouvait au bas de la rue Fautras, dans le vieux-Brest. Pierre Mac-Orlan l'évoque au chapitre VII de l'"Ancre de MIséricorde". (Voir les commentaires à cet article ☺)
6 commentaires -
Par fulgur29 le 13 Mars 2022 à 15:42
Radio K7 de Status Quo 1968, période "psychédélique", avec "Technicolor dreams" qu'affectionnait Steve Rébillard (série A)
Bon. N'allez pas croire qu'on fait une fixette sur Status Quo dans ce blog. On en a déjà parlé. On a raconté le concert de Penfeld avec l'article de petit Fulgur qui avait paru dans Rock'n'Folk, avec Supermac qui s'écriait "Rossi!" entre deux chansons.
Mais figurez-vous que l'autre jour, petit Fulgur traînant quartier Jaurès tomba sur des CD de seconde main, dont deux vieux Status Quo réédités comme des 33 tours miniatures, à l'identique avec pochette en carton: "Quo" et "Blue for you". Et un Ramones de 1977, même présentation sans plastique. Ouah! 10 secondes plus tard, ils étaient dans la musette.
La pochette de "Quo" est assez moche, avec ces racines comme des serpents et Lancaster et Parfitt qui paraissent s'étrangler. Mais dès les premières mesures de "Backwater", le choc, retour immédiat sans escale vers le foyer du lycée de l'Harteloire, celui qui fut posé au fond de la cour de récré (près de l'entrée des cyclos) vers 1972.
Vous souvenez-vous de l'éphémère (1972-1976?) foyer du lycée, monté comme un mobile-home entre les terrains de hand et le parking à vélos et cyclos?
Ne dîtes pas, anciens et anciennes du lycée bleu, que vous avez oublié Le Foyer, bâtiment provisoire en aggloméré, qui devint peu à peu No man's land. Alors, entrons, il y a "Backwater" qui passe, et cette odeur de tabac froid. Ah, ça fait du bien. Il y a deux salles: dans l'une, on joue au baby. Dans l'autre, il y a une platine vinyles, et des 33 tours tout autour: Pink Floyd, les Doors, Yes (et leurs pochettes incroyables), Deep Purple... Ce sont les terminales qui font la loi et passent leur musique. Il y a des noms aujourd'hui oubliés: Uriah Heep, Hawkwind, Emerson Lake and Palmer... Beaucoup d'électricité dans l'air. Cheveux longs, écharpes longues.
Un coup, petit Begkoyian, 4ème ou 3ème, a essayé de glisser son disque de Slade (c'était "Sladest") sur la platine. Il s'est bien vite fait virer par un vieux de terminale qui a posé Jimi Hendrix sur le pick-up. Le rock, c'est pas une musique de gamins!
Pochette du disque "Quo", 1972
En 4ème, il y avait une jeune prof de Français qui ne se laissait pas marcher sur les pieds: Madame Rozenn. Elle avait d'abord décidé de rendre hommage pendant un trimestre à Henri de Montherlant, tout juste refroidi en début d'année scolaire. Mais ensuite, pour illustrer un chapitre sur le thème du feu en musique, elle avait apporté des 33 tours en classe! On avait d'abord écouté de la musique classique, "l'Oiseau de feu" de Stravinsky. Et soudain, voilà qu'elle sort... "Fireball" de Deep purple! Du hard-rock en cours de français à l'Harteloire! Même Madame Anger, la reine des prof avec ses cheveux gris en queue de cheval et la clope au bec n'a jamais osé pareille transgression. Yan Le Moing de la rue du Bouguen (il habitait l'immeuble au pied de la falaise et des fortifs) était aux anges.
Pochette du disque "Blue for you", 1976
Dans le foyer, le sol en plancher craquait. Tout le monde fumait. Les manteaux, sacs mous et écharpes tricotées s'amoncelaient en désordre contre le mur. C'était le territoire des lycéens, où pas un prof ne s'aventurait. Ben oui, ça draguait pas mal, comme dans l'arrière-salle du Campus (sis en face des escaliers de granit, rue Latouche-Tréville, avant la boulangerie Méar). Le Record, lui, était à 50m à gauche, rue de l'Observatoire, en face d'une petite place.
Alors, oui, Status Quo a accompagné bien des lycéens et lycéennes pendant les années '70. "Piledriver", "On the level"... Et le Live. Souvenir de soirs d'hiver vers Noël dans la fermette de Steve Rébillard en pleine campagne sous Guissény à beugler "bye bye Johnny, bye bye Johnny be good".
Jo Kerleroux (série B) avait l'uniforme de Status Quo: veste et pantalon en jean, mais c'est John Lennon qui apparaissait en couverture de son classeur (la photo avec plusieurs paires de lunettes). Pat Puillandre (série B) sifflotait "Mamounia" des Wings. Marius Gouton (série C) avait un poster d'América dans sa chambre. Dans celle de Thierry Julienne (champion du foot-capsules Weltmeisterschaft 1974) on entendait "Foreigner" de Cat Stevens. Début 1978, le premier disque de Van Halen provoqua l'enthousiasme chez les Terminale C. En avril 1975, la mort de Mike Brant fit pleurer des lycéennes de seconde. Et celle d'Elvis, à la rentrée 1977, rougit les yeux de quelques uns dans les vestiaires de la salle de gym.
A la rentrée 1976 (ou celle d'avant, ou celle d'après), le foyer avait disparu de la cour de récré. Le seul foyer restait deux salles au fond du long couloir du premier étage, dans la longue excroissance au nord du lycée, au-dessus de la cantine. On pouvait y boire un café. Et terminer ses devoirs juste avant le cours ou faire un morpion avec Bérénice. Il y avait une ambiance feutrée des rencontres de début de matinée. Mais plus de musique. Sauf la fois où Jimmy Poncey (terminale A) obtint l'autorisation d'y organiser une "boum" début 1978, un soir! Succès populaire (et pourtant passait à la télé "Zorro" avec Alain Delon). Hélas, Jimmy avait posé sa platine trop près des radiateurs et soudain la musique cessa.
Pochette verso du disque des Ramones "Rocket to Russia" de 1977. Tristement prémonitoire? Quelle pochette, n'empêche!
Ladislas Boszo, debout devant le Pénalty-bar avec Dimitri Payet qui se plaint de sa cuisse.
ladislasboszo.eklablog.com
votre commentaire -
Par fulgur29 le 15 Février 2022 à 21:46
Souvenir de Brest, quartier Saint-Louis, fin des années 1970!
Le petit blog de l'ASH menait son petit bonhomme de chemin au sortir de l'hiver, avec une victoire du stade sous la pluie et les bourrasques, quand Exodus, lecteur fidèle et aquarelliste des instants furtifs du centre-ville de naguère, nous fait remarquer que, sur la carte de Brest en 1980 présentée récemment ne figure pas le patro de l'Armoricaine (rue Michelet).
Panique à la rédaction et réunion immédiate dans l'arrière-salle de "Chez Tintin", rue de l'Harteloire. A l'aide d'un drone bricolé avec un vieux moteur de solex, deux canettes vides, une hélice et une caméra, on est monté dans le ciel brestois prendre une photo d'époque, et on est heureux de vous présenter cette fois le quartier Saint-Louis, et l'Armoricaine ("l'Armor") en sus. Désolé, Exodus, la bibliothèque Neptune est hors-champ. Il y a approximations, erreurs manifestes et anomalies? Tant mieux, cela fera réagir les puristes!
D'accord, il manque la mouette sur le trottoir devant la boucherie Le Bourdais...
Un prof d'histoire du lycée bleu (Michel Madec) nous fait remarquer que la pâtisserie place Saint-Louis, c'était Boulven bien sûr (une vraie boutique familiale), et que Lozac'h avec ses petits gâteaux formidables, c'était rue de Siam, un peu en dessous de l'actuel Blind Piper. L'importance des historiens dans ce blog...
Passe un quidam en quête d'un T-bone steack, qui demande où se trouve "la Brocherie" sur la carte. "Fastoche, c'est près d'la Chunga!". Sapristi, oublié le coin des grillades au feu de bois! Ca commence fort!
Ladislas Boszo
"It's five o-clock,
je vais droit à la Chunga"
(Aphrodite's child)
En bonus, deux cartes des mythiques "La classe 1979" series: "Démis s'en va à la Chunga", et ci-dessous le sandwich saucisse rose-moutarde du Stade Brestois (ok, il manque les cacahuètes grillées). On dit que les cartes "La Classe 1979" seraient bientôt éditées en stickers... A suivre!
Suite! Deux autres cartes en exclusivité: "le Mélo' vous dit bonsoir" ci-dessous,
et enfin, "pour t'en finir", comme dirait Marc Ar Moal, une ode au lycée bleu de l'Harteloire, "La Classe 1977", l'année rappelant sans doute les éphémères grandes heures de l'équipe de foot du lycée: l'ASH.
ladislasboszo.eklablog.com
17 commentaires -
Par fulgur29 le 16 Janvier 2022 à 17:47
Voici votre carte de Brest vers 1980! (bon, d'accord, il manque le PL et le FC Bergot) A notre époque, on sait bien que retourner dans le passé n'est plus de la science-fiction. Ca va nous arriver un jour. Ca vous est déjà arrivé? Et vous n'aviez pas la carte...
Bon, c'est vrai qu'on nous a préparés, avec des films comme "Retour vers le futur", ou "La machine à remonter le temps". Les bouquins disent pareil, même les mangas ("Tokyo revengers"). Alors, imaginez que vous ayez l'opportunité de retourner à Brest pour 24 heures. 1944 n'est pas un bon choix. 1980 n'était pas mal du tout! Alors, munissez-vous de la carte, et voici quelques pistes (sans jeu de mots) pour un séjour réussi dans la cité du Ponant:
1. Comme cocktail de bienvenue, siroter un "Ruz-boutou" (vin rouge et limonade) au... Ruz-Boutou (6). Exotique aussi, boire un coup avec les officiers de marine dans les fauteuils en osier de l'Epée (7)
2. Un coup de fringale? Goûter au fameux croque-monsieur rond de la Gentilho (8), et dire: "un croque et une Kriek, ou j'craque!"
3. Aller voir Vabec et Letemahulu au stade de l'Armoricaine (28), ou assister à un derby de basket Kerbonne-Etendard (fièvre garantie, voire plus). Sinon, les p'tits loups du PL Guérin jouent stade Foch le dimanche après-midi.
4. Manger une pizza à 4h du matin chez Franco rue de Pontaniou, ou s'endormir dans son assiette d'escargots rue Borda à 6h du mat'.
5. S'il fait beau, faire un plouf du grand plongeoir à la piscine en plein-air de Tréornou, ou partir en bus à la plage au Moulin-Blanc (choisir un roman-photos au Trimaran, et une glace à la caravane de "Mon ange")
6. Manger un américain-merguez à la baraque à frite de la sorcière (près du pont de Recouvrance) ou du Crado (près de la Poste ou des Dames de France). Attention à la baston.
7. Voir un film art et essai au Vox.
8. Aller draguer à la patinoire de Bellevue ou au PAC (le "palais des amoureux de la culbute"), où vous pourrez écouter Pink Floyd avec un casque.
9. Vous poster à l'heure de la sortie au lycée de l'Harteloire et compter les baba cools.
10. Descendre au port acheter de la gravette dans un bar et partir taquiner le tacaud près des balises avec votre vieille canne à pêche
11. Descendre la rue de Siam pour croiser marins et mousses en tenue avec leur bachi.
Les restaurants ne sont pas cités. Ils ont déjà fait l'objet d'une enquête poussée dans ce blog. 24h, ça passe vite. Vous nous donnerez vos impressions à votre retour!
Quelques tuyaux pour un meilleur séjour: la Rhumerie à Saint-Martin et les Mouettes au port de co' sont deux bars qui ferment à 2h du matin, et non 1h. Et le Bar Ecossais rue Jean Jaurès est connu comme dernière station pour s'immiscer dans un groupe vers le Mélody ou La Forge (Guipavas).
Enfin, on nous dit que lorsqu'on remonte dans le temps à Brest, c'est le plus souvent dans l'ancien Leclerc rue Jean Jaurès qu'on atterrit (celui qui était en sous-sol avec tous ces tuyaux qui couraient au plafond).
Ladislas Boszo, attablé au bar du coin des temps, avec un Picon bière
6 commentaires -
Par fulgur29 le 21 Décembre 2021 à 22:25
"Winnie marque à Lewisham": dessin extrait du journal "BLANC" n° 42 du 17 janvier 1980. Vous allez suivre la fin des aventures des joueurs de l'AS Harteloire en Angleterre, une épopée dont la narration débute dans l'article précédent. Il y a donc encore des lecteurs habités par la magie de Noël, curieux de connaître le destin de cette équipe de bohémiens outre-Manche. "C'est titanique", aurait dit Jimmy!
Jimmy se chargea de réveiller tout le monde à 10h, sauf les fervents supporters à la bouche pâteuse et à la recherche de quelques comprimés d'aspirine. Winnie refusa tout d'abord d'enfiler le survêtement rouge paré d'un imposant "ASH" dans le dos parce que "ça faisait frimeur". Mais à 10h30, tous les joueurs faisaient un footing dans le parc en face de l'auberge. Dragan crachait ses poumons, Winnie courait ventre à terre, Swallow traînait un peu la patte à cause de son ménisque. Baader et LVS avalaient les distances. Dans le matin pâle, l'escadron rouge retrouvait des sensations oubliées. Demain 10h le tournoi commencerait, et les 1/16èmes de finale allaient s'étendre sur 2 jours.
A midi, il y avait du monde partout. Des familles entières, des marchands de hot-dogs, de marrons, des sportifs aussi, même la BBC avec une petite équipe de cameramen avaient déferlé sur Lewisham, petit quartier du sud-est de Londres. Au moment de passer à table, l'ASH apprit que déjà Sturm Graz (Autriche) et Sheffield Wednesday étaient qualifiés. En plein repas, un fou-rire sans cause apparente s'empara de la tablée. "C'est les nerfs", aurait dit Coluche. Les joueurs de Saint-Mirren étaient partis en excursion. Pino (l'autre surnom du président Jack) conseilla une petite sieste et chacun regagna sa chambrée tandis que les supporters se mettaient en route pour couvrir les murs de la ville de graffitis "ASH". Dragan lut un numéro de "l'écho des savanes". Marius écouta de la musique.
A 16h, on n'eût pas besoin de rassembler les joueurs. Dans la rue, des gens se bousculaient en chantant: Lewisham venait de se qualifier aux dépens du Bayer Uerdingen (RFA).
- "J'espère qu'il y aura encore des spectateurs", lança Baader. Oui, les gradins étaient encore bien garnis, pour la bonne raison qu'à 18h10 Orient affrontait Chester. Et Orient, c'était tout près.
Le car se gara devant l'entrée des vestiaires. Le bus du Chenois FC était déjà là. Le vestiaire était bien chauffé. Les maillots blancs floqués du nom du sponsor étaient encore immaculés. Il fut décidé que Swallow (des Bahamas) jouerait la 1ère mi-temps dans les buts et que Kermit (du Cours d'Ajot) prendrait sa place pour la dernière demi-heure. Un officiel passa prendre la composition de l'équipe. On serra bien les lacets des chaussures. Seuls Baader, Dragan et Marius mirent des protège-tibias. Pino se frottait les mains de nervosité. Dragan fuma une dernière clope. Au-dessus, la rumeur de la foule, une clameur. Un but sans doute. Et la voix du haut-parleur: Udina (Italy): 0 - Karlsruhe (Germany): 1. "At 5:10 p.m, the next match...". Un officiel vint chercher l'ASH qui croisa les deux précédentes équipes. De jeunes italiens pleuraient. Les suisses étaient devant. Au fond du couloir, le jour, les lueurs des projecteurs. Le terrain, la foule.
Une tape de Pino sur l'épaule de chacun: "A vous d'jouer". Mais personne n'était en état de répondre!
Une salve d'applaudissements pour le Chenois FC. "A nous!". LVS le premier, et tous les autres. Où étaient les supporters? Une avalanche de pq derrière un but l'indiqua. Les projecteurs éblouissaient.
Les 2 équipes se réunirent au centre du terrain, Chenois en bleu. Echange de fanions. Pour qui allait pencher le public? Difficile à dire à l'applaudimètre. Les supporters d'Orient créaient déjà l'ambiance. Un court échauffement, chacun faisant un peu n'importe quoi. Le centre pour Chenois. Un coup d'oeil vers le banc de touche d'où Jimmy prodigait ses encouragements. Un regard de l'arbitre pour LVS: "Ready?"
- "Ouais!"
Jimmy et Fulgur, Oxford
Triiiiiiiiiiiiiiiiiit!
Le terrain n'était pas trop grand, même pour un tournoi à 7. D'entrée une longue balle en avant de Chenois interceptée de la tête par le Vieux (LVS). L'ASH, entrée difficilement dans le match, ne tarda pas à s'apercevoir que les petits suisses (accompagnés par Hervé Revelli sur la touche!) n'en menaient pas large non plus. Pourtant, les suisses décochèrent un tir merveilleux, dégagé sur la barre par Swallow (l'hirondelle du Bergot). Applaudissements dans le public, de moins en moins indifférent. Un coup-franc concédé par Baader (ou Bomber) fit passer le frisson dans le dos des Olive et consorts. Mais Swallow se coucha sur le ballon.
Marius, plus ou moins en pointe (car le hors-jeu n'existait pas) regarda la pendule. Déjà 20mn de jeu. L'ASH subissait la pression et semblait se complaire dans la peau du dominé, concédant 3 corners consécutifs. Heureusement, LVS faisait la loi dans les airs. Et cette montée solitaire de Dragan, montrant qu'il était temps de rentrer dans le match. A une belle occase des suisses, l'ASH répliqua par un tir de Dragan au-dessus de la barre juste avant la mi-temps. Que c'est passé vite! Dragan et Winnie se tenaient les hanches, éreintés. La foule applaudit par politesse. Pino donna de la voix.
Quelques sourires dans le vestiaire. "On peut les bouffer, hein?" lâcha Marius, une bouteille d'eau à la main.
-"Sûr", renchérit Winnie. Swallow enfila son survêt'. Pour lui le match était terminé: "on n'a qu'à jouer plus vite. On ne garde pas assez le ballon. On a trouille de mal faire... Remarque qu'en face c'est pareil".
- Ben oui, ajoute Jimmy. Pourquoi vous auriez peur? J'ai un peu de vin chaud dans la thermos pour qui en veut".
Chacun en voulut. Pino lança que c'était dans la poche. L'arbitre siffla dans le couloir. Déjà. L'annonce du remplacement de Swallow provoqua quelques sifflets dans le public. De nouveau le terrain. Un signe aux supporters. Ca allait déjà mieux. Dragan alla même jusqu'à mimer la danse sacrée de la bande des k-way. Et tout le monde de rire franchement. Fulgur dans le rond-central avec Marius: c'était reparti!
Cette fois, l'ASH parut prendre le contrôle du jeu. LVS et Winnie relançaient avec adresse, le Vieux par de longues passes, "Il barone" sacrifiant au jeu court. On jouait depuis 5mn à peine que Baader enraya d'un tacle sec une velléité offensive des bleus, le Vieux Sorcier récupérant le ballon promptement. Il a vu Fulgur tout seul à gauche. Une balle précise. Le public apprécia. Fulgur recentra le cuir dans le couloir au centre, dans le quel s'était faufilé Winnie. Un petit contrôle en pleine course, une demi-volée du droit, et de face le baron fusilla le gardien adverse (photo en début d'article). Crépitement d'applaudissements, la voix d'Olive perça la nuit: "Winnie, you are the king!".
Le baron disparut sous une pyramide humaine. Chenois encaissa le coup. Kermit hurla: "Allez, on ferme la porte!". Même pas la peine, car à Chenois le coeur n'y était plus. Saudade helvète. Et le second pion inscrit à la 41ème mn par Marius à ras de terre ne surprit personne. Marius saluant la foule. Pino debout.
Les suisses eurent le sursaut d'orgueil, mais Kermit à chaque fois fut à la parade, le poteau sauvant même l'ASH. Il était écrit que les suisses mangeraient leur fromage blanc jusqu'à la croûte: c'est le Vieux qui, sur corner, catapulta le cuir hors de portée du gardien adverse. 3-0 à 9 mn de la fin. Tout était consommé. Baader balança de longues balles, LVS et Winnie firent courir le ballon. Dragan concéda un dernier corner. Un malheureux cafouillage. Marius n'eut pas le temps d'ajuster sa passe à Kermit et le voici battant son propre gardien au moment où l'arbitre sifflait la fin du match. Pyramide humaine sur Marius un rien furax. Pino et Jimmy envahissant le terrain. Oubliés, les vaincus. Salut au public, et place au match suivant!
Président Jack, Paddington
Dans les vestiaires, personne ne semblait réaliser. Baader annonça: "j'ai eu mon mec!". Et Pino ouvrit une caisse: "De la part de la Gentilho'. A n'ouvrir qu'en cas de victoire". 12 bouteilles de Jenlain. Chansons et tumulte, Pino et Jimmy poussés sous la douche, Winnie hilare.
La soirée se prolongea bien tard dans la nuit. En boîte dans le centre londonien après les pubs. Heureusement, Yan ramena tout le monde à l'auberge. Boots ne put se lever et dormit dans le car. Le 27 décembre, l'équipe ne jouant pas, cap fut mis sur Oxford Street pour quelques achats. Le soir, les joueurs mangèrent sans le comité directeur parti assister au tirage au sort. L'auberge était déserte: Saint-Mirren avait été éliminé l'après-midi même par Berne (enfin des suisses heureux) et avait regagné l'Ecosse.
Pino joignit les mains: "On joue demain contre les tchèques de Plzen. Vu que Saint-Etienne a été éliminé 4-1, nous voilà derniers français dans le tournoi!
- Ca, on s'en fout!" lâchèrent de concert Winnie et Dragan. Swallow entonna quelques notes de "la Bohème" d'Aznavourian. L'ASH croyait en son étoile.
Le tunnel vers la pelouse
L'ASH se rassembla vers le centre et salua le public enthousiaste. Les joueurs de Plzen quittérent le terrain la tête basse. Dame, le tableau d'affichage indiquait 2-1 pour leurs adversaires alors qu'ils avaient manqué un péno mérité à la 42ème mn et menaient 1-0 depuis la mi-temps! Mais le match avait basculé sur deux raids personnels de Marius, puis Fulgur. Swallow réalisa un arrêt réflexe sur le pénalty. Baader philosopha: "En somme, j'ai eu raison de le descendre...
- Mais il n'avait plus le ballon, hasarda Kermit
- Et alors, dans le feu de l'action, tu n'as pas le temps de réfléchir!
- En d'autres termes, tu as eu ton mec. Mort de rire (Dragan)
- Putain... et du laurier. Il était temps que ça se termine: j'étais crevé!".
Les 9000 spectateurs grondaient dans les tribunes. Lewisham allait faire son entrée sur le terrain. La victoire de l'ASH était déjà oubliée.
Jean Lasbuth, Saint James' Park
Cette fois, ça ne voulait pas rigoler. Les mines étaient sombres dans les vestiaires: "Quelle bande de latteurs!
- Jamais vu ça. Le rital a carrément balancé son pied dans les côtes de Swallow!"
Swallow baissait la tête dans un coin. Il avait dû céder sa place dès la 18ème mn à Kermit, et Marius traînait la patte.
- "Jamais vu des empaquetés pareils! grommela Fulgur. Et ils nous flanquent un pion à la dernière mn!
Pas besoin de vin chaud aujourd'hui pour donner du tonus aux troupes. Le public avait sifflé l'équipe de Catanzaro à sa sortie de terrain. Un jeu ultra défensif et rugueux. Quelques cannettes de Killian's importées de France avaient atterri sur le terrain.
Marius, carrément balancé, s'affala dans la surface de réparation. Mais l'arbitre fit signe de continuer à jouer. Baader et Winnie entourèrent le réf'. Et un carton pour le teuton. Grands gestes, Pino lança un appel au calme. Et un avertissement aussi pour Dragan qui avait lancé un "mieux vaut z'en rire" dédaigneux. Les premiers incidents depuis le début du tournoi. Charge aérienne sur LVS. Et la foule de gronder, qui lâchait des "come on you whites". Impressionnant. C'eût été trop bête de lâcher maintenant. LVS tira le coup-franc. Un paquet sur la transversale. Oooh! Et personne à la réception.
Contre-attaque des italiens et Kermit sorti à temps à la rescousse, applaudi par le public. Baader et LVS se regardèrent, pris par la peur de ne pas avoir le temps. Plus que 10mn de jeu, domination stérile. Débordement de Winnie. Fauché! Cette fois Pénalty, les italiens ayant une fois de trop joué avec le feu. Qui allait le tirer? Fulgur ou Marius? C'est Fulgur. Winnie se faisait soigner sur la touche, Kermit était monté au centre du terrain quand Fulgur marqua, comme à Kérichen, à gauche du gardien... Voilàà! But!
Et l'ASH de replonger dans l'ivresse. Dragan courut comme un fou le long des tribunes. Mais à 1-1, on s'acheminait vers la séance de pénalties. Winnie dut sortir du terrain. Personne pour le remplacer, et encore 8mn à jouer...
L'ASH a encore gagné. Dragan a crucifié Catanzaro à 2mn de la fin. Une "pâquerette" désespérée alors que la Maison Blanche prenait l'eau de toutes parts et allait s'effondrer sous peu. Et Dragan s'est lancé la bouche ouverte dans les filets adverses. Marius s'est écroulé, pris de crampes. Pendant la dernière mn, l'équipe a su garder la porte fermée, et Baader a eu son homme. Les trois coups de sifflet de l'arbitre furent un cadeau du ciel. La foule réclama un tour, et les joueurs s'exécutèrent, avant de disparaître dans le tunnel.
Extrait du journal de Jimmy: "30 janvier (suite)... Et on est tous complètement crevés. Enfin, on a du bol. Winnie pourra jouer et on n'est pas tombés contre Lewisham. Mais Las Palmas, ça ne sera pas non plus de la tarte. Je crois qu'on n'est pas encore remis des sensations d'hier. Mais il est temps d'y aller."
Sheffield Wednesday venait de bouler Lewisham du tournoi. Et les jeunes joueurs que croisèrent nos bohémiens quittaient avec regret les encouragements chaleureux du public. Public qui n'avait pas oublié la prestation des frenchies la veille et porta sur eux ses encouragements. Mais les jambes de nos bohémiens étaient fatiguées, au coup d'envoi du match contre Las Palmas (1/4 de finale).
Si l'ASH regagna les vestiaires à la mi-temps sur un score vierge, si le public applaudit la combativité des 2 équipes, chacun avait compris que Las Palmas avait plus de ressources. Plus frais. Les bohémiens n'allaient pas faire illusion bien longtemps. Personne n'en parla cependant dans les vestiaires, les mêmes réflexions revenant: "on va les bouffer", "un doublé pour Baader!".
L'ASH ne tarda pas à céder le milieu de terrain aux espagnols. Winnie boîtait. Chez Marius le ressort était cassé. Fulgur en pointe ne recevait plus de ballons et n'était plus en mesure de revenir les chercher. Les tacles de Baader se faisaient plus lourds. LVS sautait moins haut. Kermit força l'admiration en retardant l'échéance une fois, deux fois... cinq... Non, celle-ci était au fond. Un regard désespéré vers l'arbitre indiquant le centre du terrain. Il y avait bien but.
Alors qu'il restait 12 mn à jouer, Baader déclencha un tir dans lequel il semblait avoir emmagasiné tout son influx. Mais le gardien adverse se coucha sur le ballon. Et comme dans un cauchemar ce long dégagement du libéro de Las Palmas vers l'avant-centre libre de tout marquage et qui s'en alla dribbler Kermit impuissant. Et Las Palmas levant les bras. Chaque bohémien qui regardait l'autre. Triste. Allons donc, comme il avait l'air marrant Baader, avec cette gueule d'enterrement. Un sourire sur les lèvres de Dragan, puis de Winnie. LVS fit une grimace à la Bourvil et rigola. Dragan lâcha: "mort de rire!".
C'est en chantant "oui nous irons marquer des buts à l'extérieur" que nos joueurs défaits quittèrent la pelouse, même si les regrets revinrent dans les vestiaires.
Fulgur, Stamford Bridge
L'ASH participa à la réunion de clôture organisée pour le réveillon dans le hall des fêtes de Lewisham. Elle reçut une coupe pour sa combativité. On lui demanda de chanter son hymne sur l'estrade. En l'absence de Bébert Mc Reno, tout le monde chanta faux. Chacun s'abandonna à la liesse populaire. L'ASH monta vers le bar en compagnie des joueurs de Sheffield, vainqueurs du tournois et déjà raides. Toute la population semblait là. L'orchestre joua toute la nuit, mais qui dirait se souvenir quand 1979 laissa place à 1980 pourrait aller à confesse.
L'ASH quittait l'Angleterre. Le conte était terminé. Restaient les coupures de journaux, la coupe, les photos, les souvenirs et les godasses crottées.
Et à 3h du matin devant la Gentilho' fermée, chacun se serrit la main et s'en allut comme si rien ne s'était passé. Swallow enfourcha sa mob' à siège long et Olive démarra sa Yam' 125.
Alleï, bonne nuit une fois!"
(fin du conte de Noël)
Ladislas Boszo
Marius, Portobello
N'empêche, on se demande encore si on n'avait pas rêvé: recevoir une lettre de Jean Sadoul, quand même...
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique