Little Fulgur, tout juste retraité, de retour au lycée bleu de l'Harteloire à Brest 45 ans plus tard

Alors là, c'est pas un truc qu'on pensait pouvoir vivre: 45 ans après le départ du lycée bleu (1978), un an de moins si l'on pense à cet épisode facétieux où d'anciens élèves avaient fait la rentrée de septembre en classes de seconde et première sous des sobriquets tels que Jean Lain, Guy Ness ou Jean-Marie Brizard. Ne manquait que Perceval Starverte, que personne n'osa.

Le 11 mars 2023, à l'occasion de portes ouvertes et grâce à l'amabilité de Michel Madec, prof d'histoire-géo au lycée bleu, d'anciens élèves ont le droit à une visite guidée V.I.P. de l'endroit. C'est cadeau. Super cadeau.

Bon le lycée initial, le long bâtiment qui se terminait par un appendice de traviole, a été il y a 20 ou 30 ans, marié avec un bloc moderne qui occupe les anciens terrains de hand (dont celui du milieu, le "théâtre des rêves", où les gamins jouaient au foot  encore et encore). Ce bloc moderne accueille donc les lycéens actuellement (on peut se tromper, ne sachant plus à notre âge qui est qui, l'essentiel étant de savoir encore qui l'on est).

Au premier étage (fond du couloir), la dernière zone  avec les petits carrelages vintage, bientôt au Patrimoine mondial de l'humanité.

Bon, on va dire que le lycée est de 1962 environ. Depuis le début du XXème siècle, il y avait un lycée dans le quartier. Dans les interminables couloirs, la surprise est qu'il n'y a plus de porte-manteaux. Il n'y a plus non plus de couronne de houx sur la porte de Frau Simon, la prof d'Allemand ("Setz euch!"). La salle des profs est toujours au premier étage, côté est. Avec des canapés. Avant, Madame Angé, prof de Français émérite, pouvait y fumer sa clope. On ne sait si Mme Garcin-Mathieu, prof de Physique (?), fumait comme une locomotive.

Au rez-de-chaussée, escalier du milieu, c'était le grand QG; au pied de l'escalier le bureau de la Surge qui était en fait la vraie chèfe de l'établissement: Mme Cojean.  A côté, l'infirmerie, surtout fréquentée par les filles, ou certains garçons de série B qui pratiquaient le jeu idiot du coup du cartable dans les bowls. En face, il y avait le bureau du Cencu, aka "balai-brosse". Petit, les chaussures noires cirées impecc', censé nous faire peur. Ridicule, quoi. Le bureau du proviseur était un peu plus loin? Mais le proviseur, c'est comme le bon Dieu, on ne le voit jamais. Au rez-de-chaussée toujours, les filles cousaient et les garçons faisaient de la techno' (pas de la musique!) et des travaux manuels avec M. Noirrit (qui emmena ses élèves voir une expo d'Alvar Aalto, fameux designer scandinave au musée de la ville, quand même!).

Anciens élèves devant la fresque Noirrit (celle côté préau est). Au bout du préau, il y avait le distributeur de boissons chaudes où allait s'abreuver "Rocheteau", le pion.

Côté sud, c'étaient les salles d'histoire-géo (M. Lebreton, dit "Abde", Mme Herry superprof...). Et le bureau de M. Quinard, surveillant général. Au 2ème, les salles de langues: MM Morzadec nouvelle école, Mancec (ou Mansec?), très old school et petit vocabulaire vert avec les verbes irréguliers à apprendre par coeur. On ne revient pas ici sur les faits d'armes "green vegetables" déjà contés dans ce blog. Allez, quelques noms de profs 1975-1978: M Alain, Mme Golias et M Le Gall en maths (de retour de Las Vegas, supporter de l'ASH), Herr Chabert et Mme Laouénan(Deutsch), Mme Clochon (philo), M Briand (sciences nat'), Mme Houerrou, M Cassan et Mme Monat (physique-chimie), M Appéré (en maths toujours, qui lançait des craies sur les indisciplinés) et Mme Quiniou, Mme Le Bras en Français-Latin (5 étoiles). M Alvar était prof de musique: on dit que lorsqu'il jouait du piano, des élèves cruels lui jetaient des pièces... Qu'importe: il s'en colchiquait dans les prés.

En dessin, M Brenterch qui, disait-on, aimait dessiner des "femmes nues" et s'approvisionnait dans sa réserve, fermait à clé sa salle: un olibrius trouva malin de glisser un chewing-gum dans le trou de la serrure avant l'entrée des élèves (aujourd'hui on peut le dire: c'était Mordelet). Toute la classe fut punie.

Arthur et ses squelettes (3ème étage, salle cachée de sciences-nat')

Au 3ème, c'étaient physique, chimie et sciences naturelles. M Briant régnait salle 301, blouse blanches et cheveux blancs. Faux gentil. De son cours naquit la chanson: "les algues du littoral sont parties faire du ch'val", tandis qu'en français l'élève Bériet lancait: "Au niveau de Gargantua, c'est pas la joie, c'est pas la joie" ("il n'y a qu'au niveau d'l'amour que ça va toujours"). Le père de petit Fulgur était tripier et M Briant lui demandait d'apporter des yeux de boeuf pour les cours de sciences nat'. Comme si on ne s'amusait pas déjà assez avec les grenouilles. Sur la photo ci-dessus, les heureux anciens élèves retrouvent Arthur dans la salle des trésors du 3ème (animaux empaillés, coquillages, minerais... Seuls manquent les bocaux de formol, interdits depuis peu). Tiens, autre chose disparue: les estrades! (pour ne pas poser de problème aux handicapés, entre autres). Qu'est-ce qu'on avait les jetons quand il fallait monter sur ces estrades, pour un exposé ou la récitation d'une tirade de "Phèdre". Un peu comme si on allait à l'échafaud.

Un jour les Kinks ont chanté le temps de l'école, et c'était bien

Un moment touchant, ce fut la visite au "bout du lycée", là où se trouvait le foyer (au-dessus de la cantine). Des lycéens et lycéennes répétaient une pièce de théâtre illustrant une révolte (avec insurgés chantant "Bella Ciao" et répression) à l'endroit même où les lycéens et lycéennes d'avant tuaient le temps autour d'un café, ou recopiaient dare-dare une interro. Comme les jeunes sont aujourd'hui à l'aise, alors qu'à l'époque le système éducatif bridait ses élèves (on finissait par s'en sortir quand même).

C'est aussi là qu'en mars 1978 fut organisée un soir l'unique boum des années 1970: du reggae, Van Halen pour les série C... (Jimmy Poncey, terminale A, avait apporté son matériel, mais, l'ayant posé sur un radiateur, le pick-up rendit l'âme, au grand dam des danseurs et danseuses qui joyeusement se trémoussaient). Vous souvenez-vous? Le foyer (qui remplaçait le bâtiment en préfabriqué installé vers 1973-1974 près du parking des vélos et mobs) était constitué de deux salles, dont la première sans fenêtre avec des rideaux sombres. Propice à la réflexion et aux discussions discrètes. Dans la seconde on servait les boissons chaudes.

16 ans les Gauloises. Le bon vieux temps du Campus, du Record, du Glennfiddich, du Ruz-boutou, du Voltigeur et autres...

La fameuse prédiction de Jean-Paul Sartre: le Bac '78, le plus dur du siècle (et en plus, c'est vrai, a confirmé Gildas Marhic, ex-élève dans les seventies et désormais prof à son tour dans le lycée bleu)

La descente du grand escalier de granit (avec la haute grille en bas). C'est par là que les élèves entraient dans les années 1970. A 7H40, on attendait, parfois sous la pluie, que le gars en blouse bleue vienne ouvrir les grilles.

Cours d'Anglais avec M. Morzadec

Tintin Trémintin (Français et latin)

Herr Chabert (prof d'Allemand)

Bellum Gallicum entre Sylvie et Tintin Trémintin

Sous le préau (côté ouest) avant la sonnerie du matin. Des témoins de l'époque affirment que c'étaient les "enfants de nantis" qui s'y trouvaient le matin (les autres se seraient trouvés sous le préau est). Hum: les gamins footeux, tous horizons confondus, étaient massés juste en-decà de la rampe. Le lundi matin, malheur à celui dont le club favori avait perdu: pour Buto Pavy le FC Nantes, Kermit Le Goaziou l'ASSE, Dragan Brossel le SEC Bastia, etc... (si on n'avait pas de club préféré, on n'était pas intéressant).

Avril 1976: les gars de la cantine arrivent sur le terrain de hand du milieu pour le match traditionnel de 13h (avec les externes libres qui franchissent les grilles pour participer au match!)

Les joueurs de l'Association Sportive de l'Harteloire disent Adieu au lycée bleu en mai 1978, avant les épreuves du Bac du siècle

Hartel forever

Bon. On s'est demandé d'abord si on pouvait montrer des gens. Et puis on s'est aperçu qu'on avait fait un tour unique qui ne se reproduirait plus. Merci donc à Michel le prof passionné, et à Sylvie, ancienne série A. Excusez aussi les approximations.

Dans la salle d'histoire de Michel, on a retrouvé au mur des images de ce blog! (dont le dessin du quartier Saint-Louis en 1978). Il y avait aussi une photo de Victor Eusen, résistant de la ville. Ce prof semble comme un phare toujours allumé. Dans la salle des profs d'histoire, joliment baptisée "Samuel Paty", on mange aussi de sacrées tranches de cake, qu'on se le dise!

ladislasboszo.eklablog.com

au zinc du bar le Grabuge, Recouvrance.

PS: on était là à boucler ce petit article, quand une ancienne élève de 2nde, 1ère et 1ère entre 1975 et 1977 a donné de ses nouvelles 46 ans après: Pascale. Les fantômes des couloirs du lycée ont réveillé les âmes. Magique!

PPS: on a revu aussi le radiateur devant lequel Gire et Penot s'étaient frités allégrement, impressionnant l'assemblée des gamins (les filles s'étaient éloignées)