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1979: il y a 40 ans la montée du Stade Brestois
Patrick MARTET et Loulou FLOCH (qui fait la galipette) à Lens. Le stade prend les commandes du championnat de Division 2 groupe B (il y avait deux D2 à l'époque). "France-football" du 5 décembre 1978
5 avril 2019: le stade Brestois gagne au Red-Star et fait un pas vers la montée en Ligue 1. Qu'il est long, qu'il est loin ton chemin papa... Et il y a 40 ans, le Stade montait pour la première fois, porté par son goléador Patrick Martet (un retourné contre les Guingampais, moment d'extase), un Letemahulu feu-follesque, Loulou Floch qui donnait ses derniers feux d'artifice, Daniel Bernard imperturbable dans les buts, et des petits jeunes prometteurs: Leroux de Plouvorn, Kédié, Guennal... (Jocelyn Rico jouait encore avec les jeunes) Deux samedis par mois, on montait chanter à l'Armoricaine. Pendant ce temps-là, d'autres restaient voir Guy Lux à la télé. Ils ne savaient pas ce qu'ils manquaient.
Les sésames pour entrer à l'Armoricaine. En "seconde", on était dans les gradins de la vieille tribune Foucault. En "première", on était assis tribune"Penn Huel" ("tête haute"), d'où sortaient les joueurs. Tribune Penn-Huel, en 1974, on vous engueulait si vous faisiez un peu de bruit. On était un peu à la messe. Vous y étiez, au jubilé Tréguer/Le Bihan? (René Tréguer, c'était le gardien, souvent maillot vert, et une casquette des fois). Une fois, avec une banderole, en 1974, on a été pris à partie par une bande de la place de Strasbourg et on a couru se réfugier dans un bar de la rue Jean Jaurès.
Les montées, ce sont des soirs de grâce. La ville s'embrase. D'autres villes (souffrons) ont vécu des soirs de coupe en Côtes d'Armor ou Morbihan, à Brest on a juste vécu des coups d'éclat (l'OM, l'ASSE, Nantes...), et des montées. Les barrages en 1989 (Le Havre, les Nîmois teigneux, Strasbourg assommé par Cabanas), la belle montée de la bande à Nolan et Rom' Poy' à l'aube des années 2010. Et la montée de National, que les puristes considèrent comme la plus belle, celle du pur bonheur après une telle traversée du désert.
Une partie de la couverture de "But" du vendredi 8 juin 1979. Le scanner a buggé lorsqu'on a voulu imprimer toute la page, avec De Martigny, Bernard, Guy Bout' et consorts qui sortent des vestiaires
En 1979, le stade Brestois sortait d'années compliquées. Debout dans les gradins de l'Armoricaine en 1975-1977, on regardait Ribeyre (le plus technique), Le Trocquer (le moins Ribeyre mais sacrément efficace derrière), Dédé Perrot (un vrai ailier, rouquin teigneux), Nigel Page-Jones (qui ne travaillait pas à la Poste) l'Anglais de Roscoff et le magic Donald Hatfield, so british. Avec l'arrivée de De Martigny, le stade a battu le SCO d'Angers en Coupe (2-0), un coup d'éclat, grosse ambiance en tribune. Enfin, le stade en Coupe, quelles désillusions (vous vous souvenez de la défaite contre Laval en quarts dans les années 80 avec Kéru? Ce coup-là on pouvait aller en finale). Enfin, dans deux ans on brandira la coupe Europa, la plus belle.
Loulou Floch en quatrième de couverture du France Football du 21 novembre 1978. L'arrivée de Loulou et de Serge Lenoir avait sorti le stade brestois de l'ornière, après le sauvetage du club à la dernière journée du championnat 1975/1976 (but de Bonnat à 5mn de la fin contre Amiens, sur un coup-franc généreux, qui sauva le Stade de la descente). Un soir d'hiver, Loulou remonte tout le terrain sur l'aile droite, le long de la tribune Foucault transie et centre pour la tête de Lenoir: but! Explosion de joie dans les travées.
Automne 1978. Le stade marque des buts, Martet 7 en 8 matchs. Letemahulu frétille, l'Armoricaine commence à bouillir. Quand le stade gagne à Lens, c'est la fête dans les bars, chez Dédé, au Ruz-boutou, au Kroaz-Hent, au Campanella, à l'étrier, à la Gentil'ho, à la coccinelle, au Chaudron rue de Gasté, au relais Celton (déjà).
La composition du Stade Brestois lors de la 8ème journée du championnat 1978/1979, contre le FC Tours. 'extrait du bulletin officiel des supporters, le nouveau "Pénalty", n°1, édité par le club des supporters de l'Olympic Bar, rue du télégraphe. Il y avait la pub pour le magasin de disques de Claude Dratel rue Pasteur, où l'on trouvait les derniers imports anglais, une pub pour la "Clé des champs", la boîte de Plougastel avec ... une piscine, la Gentilhommière et "ses merveilleux croque-monsieur", la pâtisserie "la mascotte" rue Jean Jaurès et "la vraie merguez tunisienne" de René Guédes rue Inkermann(en compétition avec "les p'tites exquises, délices des merguez" de Michel Tarouilly, rue de Lyon)
Les p'tits gars de l'ASH, au printemps glorieux, c'est du Duquesne ("le Duke's) en plein centre-ville, en face des Halles (à l'emplacement du chocolatier) qu'ils préparent l'avant-match. Dès 14h. Perroquets et tangos, ce sont des gamins. Ils mettent "Stir it up" de Bob Marley en live dans le Juke box, ou "La bombe humaine", la patronne n'en revient pas: un pareil bazar un samedi après midi dans un bar de vioques.
Soir de match à l'Armoricaine! Tribune Foucault et son toit en tôle. On achetait les rouleaux de papier à l'épicerie place de Strasbourg. On les jetait en les déroulant jusqu'au terrain. La classe. Coucou McReno, Olive Bomon (sa cloche, son bonnet et sa besace), Supermac, Kermit,Bomber Philips et son klaxon allemand qui assourdissait à 100 mètres à la ronde, Fulgur, Marius et sa bouteille en plastique de faucon cendré, Dragan et tous les autres. 'Tit Mich' Cajan vendait les cacahuètes. Debe regardait le match de chez sa copine, dans un immeuble en contre-haut. On mangeait les saucisses roses avec de la moutarde (surtout pas de galettes saucisses, c'est quoi çà?). Sous les projecteurs, on trouvait qu'elle sentait bon.On avait aussi des écharpes de clubs anglais (Arsenal avait les mêmes couleurs) On chantait "l'as-tu vu, Lustucru, Letémahulu" et "Stade brestois, oh hé ho" sur l'air de "Liverpool", "Allez Brest!" sur l'air de l'"avé Maria". Imaginez, ces gamins (lycéens, étudiants, travailleurs à l'arsouille ou à la Poste) sont aujourd'hui presque retraités (c'est fait pour ceux de l'arsouille ou de la Poste, ou ceux qui ont cotoyé l'amiante). Certains ont même déjà rejoint la grande prairie. Ils étaient les ancêtres des ultras d'aujourd'hui, le valeureux et insolent kop RDK qui donne de la voix, même au coeur des années fantômes (la dernière descente du stade, quel chemin de croix, quelle souffrance de supporter! Avec la blessure de Paul Baysse, tout s'est écroulé. Saura-t-on ce qui s'est passé dans les vestiaires cette année-là? Tant de rumeurs...)
Ensuite on montait vers la Gentil'ho. On allait des fois prendre des munitions aux Nouvelles Galeries et on montait à pied ou en bus vers la plass Strassbourg. Certains faisaient un arrêt aux stands au Bar Ecossais, comme s'ils partaient au Mélody (le Mélo', c'était vendredi soir s'il y avait match le samedi. Ou les deux des fois). Certains faisaient encore croire qu'ils avaient moins de 18 ans au guichet pour payer demi-tarif (on ne demandait pas de carte d'identité). On montait dans les gradins, la 1ère porte après le milieu de terrain. On arrivait tôt, on prenait la place, se tenant assez loin les uns des autres pour que les retardataires puissent nous rejoindre. En 1976, la sono crachait "Pop corn" ou "Brasilia carnaval", en 1979 on avait peut-être du disco? Le speaker, c'est sans doute déjà Claude Dratel.
L'Armoricaine en 1977 (photos prises avant un match amical contre le SEC Bastia)
Le calendrier de la saison 77/78 (groupe B). On dirait qu'ils sont pris en photo à Lampaul-Plouarzel. Il y avait des publicités (des réclames!) pour la papeterie Yves Billé (rue Algésiras), la pâtisserie Le Quéau rue Jean Jaurès, la boutique d'hifi de Jean Yves Laouénan rue Saint-Exupéry, la brasserie "les Antilles du bas de Siam, QG des joueurs du stade après les matchs, le bar "le Britannia" de L. Le Gall rue Jean Jaurès, chez Josette coiffeuse près de l'église du Landais, le bazar populaire (maison Quiniou-Guéguen) rue Jean Jaurès, la SILL (déjà),le magasin de sport Le Vergos fournisseur du Stade brestois et le café-resto la Terrasse rue de Paris.
Vous dire la soirée contre Lens, avec les spectateurs perchés dans les pylones et agglutinés aux fenêtres des immeubles alentours? C'était dingue. Mais peut-être pas la mieux. La montée s'était construite au fil des matchs d'hiver, on était moins nombreux, mais des fois on chantait fort, comme les Anglais savaient aussi le faire avant que l'argent ne les musellent et remplace aujourd'hui les supporters par des touristes spectateurs, avec des tarifs de dingue pour une place assise (il y a 30 ans, on était mieux à Highbury que dans le nouveau stade d'Arsenal, impersonnel)
La tribune nord de l'Armoricaine, là où était le tableau d'affichage manuel ("Brest - visiteurs") en 1978. Cette année (2019) elle est encore vide, et c'est triste.
Quand on est montés, ça s'est fini bizarrement. On est partis jouer un titre de champion de D2 à Penvillers, on a perdu je crois, l'été venait. Tout le soufflé était tombé. Et un samedi soir d'août, on fêtait un anniversaire à la Corniche à Brignogan: on a reconnu Dragutin Vabec qui venait de signer au Stade et goûtait un dormeur. On lui a fait la fête. Son imprésario nous a offert 2 bouteilles de rouge. Ce blog en a déjà parlé. Cà lui a valu la "dragomania", des dizaines de visites: on a donné le dessin au gars qui a écrit un bouquin sur Drago Vabec...
La couverture du bulletin des supporters "Pénalty" qui succéda à "Allez Brest!!" avec deux "!!" de 1977 et à "Stade brestois" de 1976.
Avec Dragutin, on s'est régalés. Il n'y a plus de joueurs comme ça. Son coup-franc contre Laval... Enfin, des fois il était transparent. Question d'humeur. Dans les années 80, les grands oubliés: Bureau, et sa vitesse supersonique, l'Ecossais Wallace, les sud-Américains... Cabanas, ce fut le carnaval route de Quimper.
Ah, l'hymne du Stade brestois qui claquait dans la sono lors de la saison 1977/1978 (bulletin du match Brest-Rennes). "Du nouveau à l'ouest, la marée rouge". C'était vrai, elle allait montrer son équinoxe la saison suivante, avec la montée surprise en D1. Et la ligne "qu'impérial, Bonnat parte"! Jeu-de-mots de chez Bouvard, on est chez les "grosses têtes", non?
Avril 2019. On joue encore à l'Armoricaine. Contre Orléans, on ressort l'hymne de 1978. On vient tous en rouge (on aime bien le folklore). On va peut-être monter dans ce stade qui vieillit. On le mérite. A Le Blé, ça chante moins qu'avant. Les ultras se remettront-ils à chanter la lambada? On tape du pied tribune Arkea. Foucault est toujours un peu coincée. On se dit qu'il y a ici un petit supplément d'âme que la plupart des stades n'ont pas (PS: le 19 avril contre Orléans, ouah, grosse ambiance!). Les supporters y ont souvent mangé leur chapeau, ou leur casquette. Que de désillusions. Que de tripes nouées. Mais ça fait partie de la vie d'un supporter. On n'est pas au Réal ou au PSG... Et tant mieux, non? Ici, c'est Brest!
Alain De Martigny, l'entraîneur-joueur venu de Lille, qui allait métamorphoser le Stade brestois. Entraîneur-joueur, c'est comme "libéro" un truc du passé. PS du 10 mai 2019: ce soir, le stade est monté contre Niort. Alain de Martigny est arrivé à pied vers 20h place de Strasbourg, avec son parapluie. On l'a retrouvé route de Quimper, dans la rue, discutant avec Richard Honorine, le p'tit gars de Bellevue. Comme une boucle bouclée. C"était chouette de les voir. Comme si on avait tous un peu, eux les joueurs illustres, nous les anonymes des tribunes, vécu un peu l'histoire du stade brestois.
Cet article est dédié à tous les gamins du lycée de l'Harteloire qui ont passé des samedis soirs debout (ou assis en première) dans les travées de l'Armoricaine durant les années 70, contre Dunkerque ou Cuiseaux-Louhans. Les Geier en première (tribune Penn-Huel en 1974), le nancéen Begkoyian, les 'tits gars de l'ASH (John Boots et Bomon en premier), et James Cloarec le postier. Et Mich' Cajan et ses cacahuètes!
"Allez le stad'!"
ladislasboszo.eklablog.com
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Commentaires
Bravo..et merci
nostalgique du vrai football d'époque
allez le stade!!!
Gilles