• Terrains de jeux d'un enfant de l'Harteloire à la fin des années soixante

    Terrains de jeux d'un enfant de l'Harteloire à la fin des années soixante

     

    Les escaliers de la rue Latouche-Tréville (et non pas La-dégaine-très-urbaine) en juin 2006. 40 ans avant, le quartier avait le même aspect. Cet article a déjà paru dans ce blog, mais ressort en version "remastérisée" :)

    J'étais né à Brest 15 ans après la guerre. C'est beaucoup et peu à la fois. De chez moi, l'espace vert le plus proche était le terrain vague sur lequel a été depuis bâti le siège de la CAF. Mais la "bande de la Maison du Peuple" avait réussi à m'impressionner. C'était leur territoire, j'avais déguerpi avec mon ballon sous le bras. On n'était pas de la même école, il devaient être "d'Algésiras", et moi j'allais à confesse, ils me paraissaient plus grands que moi, même si on avait le même âge.

    Pas grave, mes copains de l'école Saint-Louis (Gilbert, Michel...) habitaient au pied des grands escaliers en pierre de la rue Latouche-Tréville, dans l'immeuble en bas de la falaise de "la butte", au coeur d'un territoire extraordinaire encore un peu campagne, comprenant le lavoir municipal, le petit ruisseau en contrebas de la ruelle montant en courbe vers l'école Sainte-Anne, agrippée à son rocher. On dévalait la pente herbeuse jusqu'au ruisseau, assis sur de grands cartons, tels des Fangio ou des Graham Rix (ou Jim Clark?).

    Terrains de jeux d'un enfant de l'Harteloire à la fin des années soixante

     

    Les escaliers de la rue Latouche-Tréville vus du bas (2006). A gauche, on aperçoit le bâtiment des scouts (éclaireurs et éclaireuses). Hors-champ, il y a le lavoir municipal. Les deux bâtiments ont depuis été rasés.

    En haut de la falaise, derrière les petites maisons de la rue Delobeau, le petit parc de "la Butte" et ses bancs publics était l'écrin rêvé pour les parties de football contre les enfants d'en haut, avec sa pelouse à l'anglaise qui léchait le ravin. Las, les voisins lassés de nous voir ramasser le ballon sur les plates-bandes de leur jardinet nous renvoyaient bien vite au bas de la rue Latouche-Tréville.

    Alors, on regardait les plus grands bricoler leur cyclo derrière l'immeuble. L'un d'eux portait des cheveux longs et bruns et il se murmurait qu'il était un "vrai" voyou. Les filles jouaient encore à l'élastique et à la marelle avec des boîtes de cirage.

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    Le val du Moulin à Poudre, vers 1966 (le pont a été bâti vers 1963). Quel terrain de jeu! Tout juste hors-champ à gauche il y avait la maison de la mère Biquette à flanc de falaise. Après le pont, face à la triperie, se trouvait une prairie au milieu de laquelle coulait un ruisseau. On y voyait têtards et sangsues.

    Les règles du foot rue Latouche-Tréville avaient été modifiées en fonction de la topographie particulière du lieu: le bas de chacune des deux rampes d'escalier constituant des buts... parallèles, les deux équipes attaquaient dans le même sens en remontant la côte! La moindre erreur de contrôle, et le ballon pouvait rouler jusqu'au bar de la porte de la Brasserie, à 100 mètres de là.

    A l'heure de la sortie de l'arsenal, les rencontres étaient évidemment interrompues pour laisser passer les ouvriers avec leur baluchon.

    Terrains de jeux d'un enfant de l'Harteloire à la fin des années soixante

     

    Vue aérienne de Brest (tout début des années 60?). L'avenue Foch barre la carte en diagonale. On voit le gymnase Foch, démoli il y 2 ans et reconstruit. Le stade Foch (le fameux "Larzac Ground" de l'AS Harteloire) n'est pas encore dessiné (entre le gymnase et la piscine). Le lycée bleu domine fièrement le quartier de l'Harteloire. Pour les touristes, au premier plan c'est l'hôpital Morvan

    Parfois, on lançait de grandes expéditions, jusqu'au bar du Moulin à poudre, presque à la verticale du pont du Bouguen, après le restaurant ouvrier du Bois de Boulogne. Le sol était en terre battue et on y achetait des carambars à cinq centimes. Ou bien l'on s'aventurait vers la Porte du Bouguen dont l'imposant bâtiment en ruines était encore en place (seul l'arc de la Porte a été préservé et déplacé jusqu'aux abord du terrain de rugby de l'université...).

    En remontant la rue du Bouguen qui longe le mur d'enceinte de l'arsenal, on passait en contrebas de la baraque de la mère Biquette, dont les chèvres erraient à flanc de la falaise, dans le paysage des fortifs. La mère Biquette, ses cheveux blancs et ses oripeaux, tout droit sortie d'un Conte de Grimm...

    Terrains de jeux d'un enfant de l'Harteloire à la fin des années soixante

     

    Le pont de l'Harteloire, enjambant fièrement la Penfeld river (photo de carte postale des années 1960, prise d'une tour de Quéliverzan (la rive droite!)

    Et puis je rentrais chez moi en remontant les grands escaliers, passant devant la boutique du coiffeur, puis empruntant la rue de l'Harteloire devant "chez les gendarmes". La bouchère (celle qui nous avait un matin annoncé la mort de John Kennedy) m'adressait un bonjour de la main, des femmes en tablier blanc faisaient des crêpes sur de larges billigs et çà sentait bon. Le patron du café près de la vieille école Sainte-Anne (avec soeur Marie) me réservait des capsules pour le Tour de France: Gimondi, Lucien Aimar, Van Springel, Bitossi. Il y avait aussi un poissonnier, un horloger, une mercerie, une autre boucherie...

    Rue Lannouron, Mademoiselle Louise vendait dans sa minuscule épicerie un jus de raisin qu'elle appelait le "jus d'Alicante". A chacun ses "Allumettes suédoises!"

    C'était il y a cinquante ans. Beaucoup et peu à la fois.

    Fulgur

    PS: n'empêche, en ce temps-là, on était tout le temps dehors (les jeudi et samedi après-midi surtout)!

    PPS: qu'est-ce que le quartier paraît sinistré aujourd'hui. Plus de 10 ans pour se décider à refaire "l'ilôt de la gendarmerie"... 

     

     

    peTerrains de jeux d'un enfant de l'Harteloire à la fin des années soixante

     

    Le coeur du quartier de l'Harteloire, en 1995, au croisement des rues de l'Harteloire et Lannouron. Le bar-tabac "Chez Tintin" Belda, sponsor de l'ASH dans les années 1980 pour les tournois inter-bars, fournisseur de capsules pour les tournois de foot-cap' dans les années 1970, distributeur des indispensables "Pif gadget", "France Football" ou "Miroir du football". En face, il y avait le magasin Spar de la famille Kervennic et la boulangerie

    Terrains de jeux d'un enfant de l'Harteloire à la fin des années soixante

    Scoop! Rarissime témoignage du passé: les voeux de la famille Kervennic, dont la boutique était l'âme du quartier, pour l'année 1971! Georges portait la blouse bleue et la clope au bec, il aimait bavarder, l'extérieur des mains posé sur les hanches.

    Terrains de jeux d'un enfant de l'Harteloire à la fin des années soixante

     

    Le bar "le canotier" en 1995 au croisement des rues Portzmoguer et Lannouron. Il y eut un bar à cet endroit, sous maintes enseignes, jusqu'au début des années 2000.

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    L'escalier de la rue Latouche-Tréville. Une légende du quartier raconte que le trésor du Moulin à Poudre (dont on parle dans un quotidien brestois des années 30), découvert pendant les bombardements de 1943-44, serait enterré quelque part sous les marches... Il faudrait le classer au patrimoine mondial de l'humanité, cet escalier, non?

    ladislasboszo.eklablog.com


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